Dans un contexte où les projets industriels et d’ingénierie doivent être réalisés de plus en plus rapidement, la méthode de gestion de projet en mode FAST TRACK est souvent perçue comme la solution miracle. Mais est-elle vraiment une approche viable ?
À travers cet article, nous explorerons les enjeux, les défis et les opportunités que le FAST TRACK présente pour les ingénieries, en particulier dans leur rôle de fournisseurs de services pour les maîtres d’ouvrages.
1. FAST TRACK : Véritable organisation de gestion de projet ?
Le FAST TRACK est souvent confondu avec la compression des délais (PLAN CRASHING) qui consiste à réduire la durée du projet par ajout de ressources ou superposition de tâches prévues initialement, et le plus souvent, de manière séquentielle.
Nous nous pencherons ici sur la pertinence du FAST TRACK et sa capacité à répondre aux exigences des maîtres d’ouvrages dans un marché de plus en plus complexe, où rapidité et qualité doivent cohabiter.
Le FAST TRACK est-il simplement un raccourci dans les processus traditionnels de gestion de projets avec, finalement, une augmentation significative des risques, ou une approche qui repense en profondeur la manière dont un projet est planifié et exécuté ?
Il est essentiel de comprendre les bénéfices mais aussi les contraintes d’une telle approche pour mieux en évaluer la pertinence au moment de la définition des rôles entre le maitre d’ouvrage et l’ingénierie.
2. Contexte
2.1. Un marché toujours plus compétitif
Le marché dans lequel évoluent les industriels est de plus en plus concurrentiel. Le délai de mise sur le marché d’un projet, tout en maintenant un niveau de qualité adapté au besoin du marché (Critical To Quality – CTQ), est un facteur déterminant.
2.2. Enclenchement FAST TRACK
Pour un maître d’ouvrage, l’intérêt stratégique, commercial et le retour sur investissement (TRI – Taux de Rentabilité Interne) doivent être importants, souvent supérieurs à 20 % pour ce qui concerne le TRI, afin de justifier l’engagement dans une méthode FAST TRACK. Toutefois, les contraintes liées à la sécurité (HSE – Hygiène Sécurité Environnement), à la fiabilité ou à des fenêtres temporelles pendant lesquelles la construction peut se réaliser peuvent justifier la mise en œuvre d’une exécution FAST TRACK.
Un projet mal exécuté ou en retard peut entraîner de lourdes conséquences, non seulement en termes de positionnement stratégique mais aussi sur le plan technique, financier ou réglementaire.
3. Constats
Les projets complexes révèlent souvent des tensions autour de la gestion des priorités, de la définition des besoins stratégiques et de la flexibilité des organisations. S’ils ne sont pas correctement anticipés et traités, ces enjeux peuvent ralentir l’exécution et créer des dysfonctionnements majeurs au sein des équipes projet.
3.1. Définition des priorités pour le projet
Les délais d’exécution sont souvent très serrés, et l’ingénierie doit s’adapter en permanence aux nouvelles priorités, les maîtres d’ouvrages peinant parfois à définir un axe prioritaire clair entre le scope (fonctionnalités), le délai et le budget.
Cette hésitation s’explique par la crainte des maîtres d’ouvrage de privilégier un aspect au détriment des autres, générant ainsi des tensions internes, et compliquer la gestion des attentes des parties prenantes. Ils craignent que la mise en avant d’un de ces trois axes compromette les autres aspects du projet, ce qui pourrait entraîner des dérives ou des critiques. En évitant de trancher, ils cherchent à préserver la flexibilité et espèrent minimiser les risques.
Pourtant, cette difficulté à établir une hiérarchie entre ces trois éléments clés contraint et ralentit la prise de décision stratégique durant l’exécution du projet.
3.2. Définition des Besoins Stratégiques
En raison des contraintes de délai, les maîtres d’ouvrage peuvent manquer de précision dans la définition (et l’alignement entre les parties prenantes internes) des besoins stratégiques que le projet doit satisfaire. Ces fragilités peuvent créer des ambiguïtés dans la mise en œuvre des projets et peuvent conduire à des retards ou à des dépassements de budget en raison des changements qui doivent être gérés durant l’exécution du projet.
3.3. Les organisations et les méthodes
Tant du côté du maître d’ouvrage que de l’ingénierie, les processus de gouvernance et de réalisation manquent parfois de flexibilité. Cela peut être particulièrement handicapant dans une organisation FAST TRACK, où l’agilité et la capacité à ajuster rapidement les stratégies sont essentielles.

À titre d’exemple, la 7e édition du PMBOK du Project Management Institute (PMI) a intégré une approche agile. En effet, cette révision met l’accent sur la flexibilité, la création de valeur et l’adaptabilité, remplaçant l’approche centrée sur les processus par des principes directeurs et des domaines de performance.
Dans le cadre de l’exécution d’un projet en mode FAST TRACK, le Lean et le Six Sigma se révèlent essentiels pour optimiser les processus et réduire les pertes, en apportant des solutions complémentaires qui améliorent à la fois l’efficacité opérationnelle et la qualité des livrables.
3.4. Les modes de fonctionnement
Le manque de coordination entre le maître d’ouvrage et les équipes d’ingénierie aboutit à un cloisonnement des informations et des responsabilités, ce qui freine la réactivité et l’efficacité, deux éléments pourtant cruciaux dans un contexte de gestion FAST TRACK.
Dans certains cas, les maîtres d’ouvrage peuvent être réticents à intégrer pleinement les ingénieries dans les sphères de gouvernance interne du projet. Ces réserves sont souvent motivées par des préoccupations légitimes de confidentialité, ou par le besoin de maintenir une certaine indépendance dans la prise de décision stratégique. Toutefois, une plus grande transparence et une collaboration renforcée avec les ingénieries favorisent une meilleure synchronisation des efforts, accélérant ainsi l’atteinte des objectifs communs, tout en respectant les intérêts de chaque partie.
4. Clés de succès d’une exécution FAST TRACK
Pour maximiser les chances de succès dans un projet géré en mode FAST TRACK, certaines bonnes pratiques doivent être mises en application dès la phase de définition du projet.
4.1. Intégration des équipes et objectifs clairs
Il est impératif que les équipes du maître d’ouvrage et celles de l’ingénierie travaillent main dans la main, avec une vision commune. Les objectifs business du projet doivent être définis clairement et partagés par toutes les parties prenantes.
Cela inclut une priorisation claire entre le périmètre, les délais et les coûts.
4.2. Validation par GATES et gouvernance Agile
La mise en place d’une gouvernance agile, combinée à un processus de validation par étapes (GATES), est un facteur clé de succès. Cette approche permet de valider régulièrement les avancées du projet tout en conservant la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux imprévus et gérer le changement.
L’adoption du FAST TRACK implique souvent des décisions qui dévient des processus de gouvernance standards. Pour cela, un engagement fort des dirigeants du maître d’ouvrage est nécessaire afin de faciliter ces ajustements en cours de route.
4.3. Design de projet adapté
Le FAST TRACK s’appuie sur une approche LEAN pour optimiser les processus. Les stratégies d’études, d’achats et de construction doivent être ajustées en fonction du niveau de complexité de chaque lot de travail (WP – Work Package) du projet qui constitue la structure de découpage du projet (WBS – Work Breakdown Structure). Cette approche permet d’adapter les efforts selon des critères de complexité prédéfinis tout en éliminant les pertes de temps et d’efficacité.
4.4. Compétences et gestion des risques
Les équipes projets doivent non seulement être hautement qualifiées, mais également dotées d’une vigilance accrue sur la gestion des risques. Dans une approche FAST TRACK, la gestion des risques doit être placée au centre des processus d’exécution, avec des ajustements constants pour minimiser les impacts potentiels.
4.5. Pouvoirs renforcés des Chefs de Projets
Les chefs de projet, qu’ils représentent le maître d’ouvrage ou l’ingénierie, doivent être dotés de pouvoirs de décision renforcés pour gérer efficacement les imprévus et prendre des décisions rapides. Cette délégation accrue est un des éléments clés pour que le FAST TRACK fonctionne de manière optimale.
5. Conclusion – Le FAST TRACK est une méthode efficace mais exigeante.
Le FAST TRACK est une approche viable et efficace pour accélérer la mise en service des projets dans des environnements où la rapidité est un facteur crucial. Cependant, son succès repose sur une préparation minutieuse, une collaboration étroite entre le maître d’ouvrage et l’ingénierie, et une flexibilité organisationnelle adaptée.
Cette méthode impose une adaptation sur mesure des processus de gestion et de production, tout en maintenant un niveau de gouvernance rigoureux pour réduire le risque de dérives. En somme, le FAST TRACK peut offrir un avantage concurrentiel significatif pour les entreprises qui ont la capacité d’en maîtriser les exigences.
Stéphane MOUREU – Directeur de l’Ingénierie SGI Groupe

Directeur de l’ingénierie au sein de SGI Groupe, j’interviens sur l’ensemble des agences FIMATEC ingénierie et PHARMADIEM, en optimisant les méthodes d’ingénierie et à travers la mise en place de structures PMO adaptées aux projets qui sont confiés à nos équipes. Grâce à mes connaissances en gestion de programmes et projets ainsi qu’en amélioration continue, j’accompagne nos équipes et nos clients dans la réalisation de projets complexes.
Mon expérience du côté maîtres d’ouvrage, notamment dans les domaines de la pétrochimie et de la chimie, m’a permis de gérer des projets industriels complexes sur des sites SEVESO 3 et de cerner les enjeux et contraintes subis par les propriétaires de projets industriels.















































































