« Le projet a deux ans de retard et accumule une perte de 2 M€. Peux-tu voir ce que tu peux faire? »
Voici comment on m’a demandé pour la première fois de reprendre un projet. J’avais 2 ans d’expérience, autant dire que la pression était immense.
8 mois plus tard, l’équipe livrait le projet en production avec les remerciements du client.
Depuis, j’ai enchaîné les reprises de projets en difficulté. Et j’ai compris une chose : le PMI ne propose pas de « procédure officielle » de recovery. Il donne des bonnes pratiques pour mesurer la dérive et mener un plan d’action, mais quand tout devient trop complexe, un changement de manager de projet devient inévitable et la nécessité d’une approche spécifique.
Dans cet article, je partage les 3 conseils essentiels qui m’ont permis de réussir ces missions impossibles.
Conseil n°1 : Soyez une « Plante Verte » – Observer Sans Intervenir
La première erreur à ne pas commettre est de vouloir agir immédiatement. Certes, la situation est urgente, mais il faut prendre le temps de la compréhension et de l’observation. De plus, arriver avec « ses gros sabots » peut rendre l’équipe réticente à votre arrivée.
La phase « plante verte » consiste à observer avant d’agir tout en mesurant l’ampleur de la dérive.
Comment procéder ?
Restez en retrait : Assistez aux réunions, aux daily meetings, aux ateliers, mais ne prenez pas immédiatement les commandes.
Regardez l’équipe travailler : Observez les interactions, les dynamiques de groupe, les processus en place.
Avec le client, optez pour des réponses en deux temps : « Je prends note, je reviens vers vous » ou « Je vais creuser ce point ». Ces réponses vous protègent car votre interlocuteur tentera certainement de vous faire aller dans son sens.
Taisez-vous et ne jugez pas : Ce n’est pas le moment de critiquer ce qui a été fait. Vous n’étiez pas là, vous ne connaissez pas le contexte complet.
En parallèle, récupérez les informations sur la dérive : Budget, planning, périmètre, qualité. Construisez vos KPI de suivi dès maintenant.
Pourquoi cette phase est cruciale ?
Parce que ce sont ceux qui font qui savent. L’équipe qui a vécu le projet depuis le début possède une connaissance terrain que vous n’aurez jamais en lisant des rapports de suivi.
Cette phase d’observation vous permettra de :
- Identifier les vrais problèmes (qui sont souvent différents de ceux qu’on vous a présentés)
- Comprendre la dynamique de l’équipe
- Gagner la confiance de l’équipe en montrant que vous ne débarquez pas en « redresseur de tort »
Combien de temps ? Entre 2 et 4 semaines selon la taille du projet. Ne vous précipitez pas, cette phase conditionne toute la suite.
Conseil n°2 : Crever l’Abcès – Rétrospective et Transparence
Il m’est arrivé d’intervenir sur un projet en difficulté sans que l’équipe ne le sache vraiment. L’équipe observait les tensions mais sans vraiment en mesurer l’ampleur.
La rétrospective est le bon moment pour crever l’abcès.
Vous avez observé, donc vous avez pu constater les dysfonctionnements. Vous avez peut-être même des idées de résolution (à ce stade, gardez-les pour vous). Vous avez également des mesures concrètes sur la dérive du projet. C’est le moment de la rétrospective.
Déroulement de la rétrospective en 3 étapes
Étape 1 : Partagez les KPI
C’est une excellente introduction. Présentez factuellement où en est le projet : budget consommé, retard accumulé, dette technique, satisfaction client. Pas de jugement, juste des faits.
Étape 2 : Faites la rétrospective
De la plus classique (« Ce que l’on fait bien », « Ce que l’on veut arrêter », « Ce que l’on veut essayer », « Ce que l’on veut changer ») à la plus ciblée (diagramme d’Ishikawa pour identifier les causes racines).
Étape 3 : Debrief et confrontation douce
C’est le moment d’ajouter vos observations : « J’ai remarqué cela, je ne le vois pas sur le tableau, qu’en pensez-vous ? ». Cette approche non accusatrice permet de faire émerger les non-dits.
En sortie de rétrospective, vous aurez :
- Une équipe consciente du problème et de son ampleur
- Une vision complète du projet et de ce qu’il faut faire
Une fois cela fait, vous pouvez enchaîner sur le classique : « Plan, Do, Check, Act ».
Conseil n°3 : N’hésitez pas à Bousculer les Codes
Pendant mes recovery projets, j’ai pris des décisions radicales :
Supprimer tout un pan de l’application pour la reconstruire : 1,5 an de travail jeté à la poubelle. Pourquoi ? La dette technique était telle qu’il était plus rapide de reconstruire sur des bases saines que de corriger l’existant.
Supprimer toutes les spécifications pour repartir en mode agile : L’équipe perdait plus de temps à comprendre des documentations de 200 pages plutôt que de poser la question au client en direct.
Diminuer mon équipe alors qu’on me conseillait de l’augmenter pour aller plus vite : Trop de personnes = trop de coordination = perte d’efficacité. J’avais besoin d’une équipe restreinte.
Le paradoxe du recovery
C’est le plus gros avantage en recovery projet : Vous avez souvent les mains libres. Les clients et les directions veulent du changement, ils ont conscience que la situation ne peut pas empirer. Profitez-en pour proposer des approches audacieuses.
En Résumé : Les 3 Clés du Recovery
🌱 1. La phase « Plante Verte »
Observer sans intervenir pendant 2-4 semaines. Mesurer la dérive. Gagner la confiance.
🔍 2. Rétrospective et transparence
Crever l’abcès. Partager les KPI. Identifier collectivement les causes et les actions.
⚡ 3. Innover
Oser les décisions radicales. Profiter de la liberté du recovery.
Et vous, avez-vous déjà repris un projet en dérive ? Quelle a été votre première action ? Quelles leçons en avez-vous tirées ?
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Ophélie GOMES

Je suis issue d’une filière technologique : Diplômée MIAGe à Lyon en 2002. J’ai commencé ma carrière dans une Entreprise de Services du Numérique (ESN) en tant que développeuse Java en mars 2003 tout en continuant en parallèle une thèse en Business Intelligence que j’ai soutenue en 2010.
J’ai occupé différentes fonctions dans l’IT pendant 15 ans chez Capgemini à Grenoble: Business Analyst, Chef de projet run, chef de projet build dans différentes technologies (java, SAP, Documentum, .Net) et différents secteurs (Services privés, Énergies, secteur public, industrie), directrice d’entité puis directrice régionale infrastructure. Depuis deux ans, je suis directrice des études et du digital chez Europ Assistance. En plus de mon rôle de manager, je suis coach agile certifiée SPC – Implementing SAFE et je donne des cours de gestion de projet.










































