
Le secteur du traitement de déchets se caractérise par l’absence de « flux tirés », ainsi que l’absence de lots puisque nous sommes plutôt en flux continus et poussés à certaines étapes du processus. Pour certains, cela disqualifie de fait les approches lean.
Face aux objections, notre démarche a été pragmatique.
Nous n’avons pas passé des mois à nous « disputer » sur les concepts et la théorie, mais cherché à les transposer à notre réalité économique. Nous croyons que le plus important pour nos industries en France est déjà de passer à l’action et de devenir des entreprises performantes et « apprenantes ».

Nous reconnaissons que, certes, les caractéristiques du secteur demandent une adaptation intellectuelle des méthodes lean, voire de la destination de certains outils.
Par exemple : sur une usine d’incinération, on peut envisager du SMED (Single Minute Exchange Die – changement rapide d’outil), non pour réduire des tailles de lot, mais pour augmenter la disponibilité des équipements (réduction des temps d’arrêt technique), et ainsi, éviter des détournements de volumes vers la concurrence/sous-traitance. Cela évite en outre un certain nombre d’allers-retours de camions, ce qui contribue à la réduction de l’empreinte carbone. De même, on peut utilement analyser les flux via une VSM pour limiter des déplacements d’engins et de personnes.
Dans le cas évoqué, il s’agit de la mise en place d’une démarche TPM (Total productive maintenance) appliquée à un centre de tri sélectif de déchets. Si les gains financiers et techniques de la démarche sont évidents, l’apport managérial l’est également. L’organisation et la montée des compétences, la communication du terrain vers les services techniques facilitée, sont les principaux gains humains obtenus.
Nous sommes donc convaincus que ce secteur d’activité peut s’inspirer des meilleures pratiques d’excellence opérationnelle issues des autres secteurs industriels (automobile…). Ce retour d’expérience en est une illustration.
Les enseignements retirés de cette formidable expérience :

Non, on ne pourra pas tirer la production !
Ce qui ne veut pas dire que nous n’avons pas utilisé des kanban dans les magasins de pièces de rechange. Toutefois, nous pensons avoir montré que la majeure partie de l’approche lean est tout-à-fait applicable dans une industrie où les flux sont poussés.
Nous voulons également répondre à des objections évoquées, soit pour ne pas lancer des approches de progrès continu, soit pour les repousser… à beaucoup plus tard. Nous préconisons de ne pas nous complaire pendant des mois ou des années dans des phases de Plan très détaillées et ambitieuses d’un PDCA (Roue de Deming). Mais de valider assez rapidement par une mise en œuvre « Do » et des adaptations éventuelles « Act » un bon nombre d’hypothèses évoquées dans le Plan.
Donc :
Oui, lean et finance sont compatibles
En se focalisant sur des actions où une partie des dépenses étaient des charges externes visualisées dans les comptes d’exploitation, nous avons légitimé les bénéfices du lean et fait baisser la garde aux opposants. Nous avons réconcilié les opérationnels et le financier. Nous pensons que le lean demande aux managers des compétences de type coach qui fait grandir ses équipes en les associant à la résolution de problèmes et à la définition des standards. A contrario, nous ne croyons pas à des approches autoritaires qui viseraient à imposer des standards a priori décidés par le seul chef.

Oui, on peut lancer une démarche lean avec peu de moyens
Tout cela s’est fait sans budget spécifique pour commencer. L’absence de budget a eu néanmoins quelques mérites. Celle de nous rendre débrouillards : ce n’était pas « beau », mais cela fonctionnait très vite et très bien. Les équipes étaient contentes de voir des choses qui marchaient. Nous avons constaté que rien ne marche mieux que ce que l’on a fait soi-même et dont on est fier.
Une fois les premiers résultats obtenus, il nous a été plus facile d’obtenir un peu de budget.
Oui, on peut lancer une démarche lean sans une totale adhésion de la Direction a priori
Nous sommes d’accord : c’est mieux si on est soutenu par la DG, et nous préconisons toujours d’essayer d’obtenir son appui. Mais nous pensons également qu’il est parfois aussi facile (ou difficile !) d’obtenir une adhésion par des réalisations que par des présentations Powerpoint. Souvent, le délai mis à profit pour démontrer par l’exemple l’intérêt du lean chez nous était du même ordre que celui qu’on aurait mis à convaincre la DG par des présentations théoriques ou des réalisations chez d’autres.
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