À lire les nombreux articles qui fleurissent un peu partout, la gestion de projet hybride semble parée de toutes les vertus.
Si cela n’est pas dénué de certains fondements, cette approche possède également quelques inconvénients que l’on oublie trop souvent de présenter.
Qu’est-ce qu’une méthode hybride
Pour commencer, il semble intéressant de revenir à la définition même de la gestion de projet hybride.
Une méthode hybride en management de projet est une approche qui combine différentes méthodes et techniques de gestion de projet pour répondre aux besoins spécifiques d’un projet donné. Elle peut inclure des éléments de méthodes agiles et traditionnelles, ainsi que d’autres approches adaptatives ou itératives.
Pour avoir pratiqué de nombreuses méthodes de gestion de projet durant plus de 25 ans, je reconnais un certain nombre de qualités à l’approche hybride.
En effet, elle permet de combiner les éléments issues des méthodes agiles pour la rapidité de livraison et la réactivité aux changements, avec des éléments issus de la méthode traditionnelle (cycle en V) pour une planification plus structurée et une gestion plus rigoureuse des coûts et des ressources.

Ainsi, cette approche hybride peut aider à maximiser les avantages de chaque méthode, tout en réduisant les risques et en garantissant une livraison de projet réussie.
Les prérequis trop souvent oubliés
Mais, trop souvent, nous oublions le fait que tirer parti des avantages de chaque méthode nécessite de les connaître en profondeur, de les avoir éprouvées au travers d’expériences concrètes, de succès mais aussi d’échecs.
Cet apprentissage par la pratique rejoint le fameux principe du shuhari, issu des arts martiaux japonais et repris par Alistair Cockburn, figure emblématique de la communauté Agile :
- Shu : Découvrir et suivre les règles à la lettre pour les conserver et les protéger
- Ha : Comprendre les règles, se les approprier, les éprouver pour en comprendre les limites, faire le lien avec d’autres techniques.
- Ri : S’en détacher, les adapter au contexte, voir créer ses propres règles.
La gestion de projet hybride représente donc l’étape ultime, le « Ri » de ce processus d’apprentissage auquel on ne peut accéder qu’au travers des étapes précédentes.
De fait, nous sommes assez loin de la situation trop classique d’une « méthodologie » créée en mode pompier, souvent sur un coin de table et à partir de petits bouts de savoir théoriques, pour tenter de sauver un projet devenu incontrôlable.
La gestion de projet hybride n’est là ni pour pallier à l’absence de formation ni au manque d’expérience pratique des parties prenantes. Et encore moins à l’absence de volonté de transformation des organisations, de formation et d’accompagnement nécessaires lors du passage en mode Agile.
Le côté obscur de l’approche hybride
Se lancer dans une approche hybride sans en maîtriser l’ensemble des composantes présente aussi de nombreux inconvénients qui peuvent rapidement devenir des risques projet.
Les principaux inconvénients :
- Le manque de clarté de la démarche : L’accumulation de pratiques disparates, parfois redondantes ou qui présentent des ruptures, est source de confusion et de complexité. Il en résulte souvent une définition floue des rôles et responsabilités de chacun. Ce qui entraîne des erreurs, des retards et surtout de la tension. Ajoutez à cela l’impact du télétravail et le cycle naturel de création des équipes et vous obtenez rapidement une bombe à retardement.
- Des coûts supplémentaires : Une méthodologie hybride constituée de techniques mal maîtrisées demande du temps pour se stabiliser. L’affiner et la formaliser nécessite des investissements en formation, en description des processus, en formations à l’utilisation des outils (mal) adaptés à cette méthodologie. Le moindre ajustement vous oblige à reprendre l’ensemble. Bref, tout le monde passe plus de temps sur la méthodologie que sur la production en elle-même.
- Le manque de répétabilité : C’est l’une des raisons pour lesquelles la plupart des discours sur les méthodologies hybrides ne se réfèrent qu’à des anecdotes et des expériences auxquelles on ajoute plus ou moins de storytelling. En effet, étant par principe destinée à s’adapter à une situation particulière, chaque méthodologie hybride est unique. Il est donc impossible d’établir des processus standardisés et donc d’établir des études comparatives sérieuses ni même d’en mesurer l’efficacité. Cela rend également obsolète la notion de capitalisation du savoir et de retour d’expérience.
La gestion de projet hybride répond efficacement à certaines situations
En conclusion, oui, la gestion de projet hybride répond à certaines situations. Tous les projets ne nécessitent pas obligatoirement de passer en mode Agile. Apporter de la flexibilité, de la réactivité et mettre la valeur au centre des préoccupations sont de bonnes pratiques qu’il faut encourager.
Mais attention, l’approche hybride ne doit pas être le joker destiné à masquer le manque d’expérience et de maîtrise des méthodologies projet, qu’elles soient classiques ou Agiles.
Contrairement, à ce que l’on entend trop souvent, elle n’est pas non plus un « premier pas » vers l’agilité. En effet, soit votre méthodologie hybride donnera de mauvaises habitudes / pratiques qu’il sera très difficile de changer par la suite. Soit son échec sera utilisé comme un argument de poids par vos détracteurs pour démontrer que l’agilité ne fonctionne pas. Et cela, même si vous ne l’avez pas mis en œuvre dans sa forme la plus basique.
Bref, entre le cycle en V, le Lean, le Kanban, le SCRUM ou le SAFe, il existe de nombreuses méthodes et outils à explorer avant de vouloir faire preuve de créativité.
Ne tombez pas dans l’effet Frankenstein : Une accumulation d’outils et de techniques non maîtrisés ne fait pas une méthode de projet viable. Le monstre aura tôt fait de se retourner contre son créateur et de semer la terreur autour de lui.
Qui est Pierre-Étienne Pernet ?

Après 10 ans de gestion et de direction de projets internationaux au sein d’Oracle Consulting, Pierre-Étienne PERNET a rejoint les équipes internes de développement d’Oracle Corporation. Il y a occupé un poste de Product Manager dans les équipes Supply Chain d’Oracle Cloud pendant près de 15 ans. Il a collaboré au développement du module Asset Lifecycle Management.
Aujourd’hui, il est Directeur Consulting Delivery chez CGI. Au sein de l’entité France Global Delivery Center, il a en charge des équipes de consultants dédiées à l’ERP Oracle. Il partage son activité entre la direction de TMA et la direction de projets.
Diplômé d’un Master en gestion de projet et d’affaires au sein de l’Institut International du Management, il a enseigné le management de projets en cycle d’ingénieur au sein du Conservatoire National des Arts et Métiers de Lille pendant 9 ans, en parallèle de son activité professionnelle.
Certifié SAFe, ITIL et PMP, il est membre du chapitre Nord de France du Project Management Institute et volontaire au sein du programme de mentorat. Il accompagne bénévolement les membres du PMI qui souhaitent profiter de ce programme mis gratuitement à leur disposition.