Un billet de Sabrina Loufrani-Fedida

Au travers des éléments développés précédemment, nous voyons donc que le métier de chef de projet est très riche, aussi bien au niveau de ses rôles que des compétences requises. Toutefois, dans les faits, le profil idéal du chef de projet est improbable, dans la mesure où l’étendue et la diversité de ces compétences semblent impossibles à réunir chez un seul individu.
Dès lors, la recherche du chef de projet providentiel et omni-compétent est vaine.
Pour certains auteurs (Leclair, 1993 ; Midler, 1993 ; Picq, 1999 ; Ruuska et Vartiainen, 2003), il semble, dès lors, préférable de favoriser la constitution de la compétence collective de l’équipe projet.

un projet réussi n’est pas seulement de la responsabilité du chef de projet
En outre, il est reconnu qu’une des compétences requises du chef de projet est la maîtrise des champs techniques impliqués dans le projet (Leclair, 1993 ; Garel et al., 2003). Or, un manager de projet ne peut être un expert de tous les problèmes techniques et/ou scientifiques débattus sur le projet. Ainsi, un projet réussi n’est pas seulement de la responsabilité du chef de projet. Il nécessite également un expert technique (l’architecte ou expert technique définit le design de la solution technologique proposée au client) ou un référent scientifique, lequel apporte les connaissances que le chef de projet n’a pas, et lui permet, par ses compétences techniques ou scientifiques, d’optimiser le projet. Cet expert est également chargé de coordonner les compétences techniques ou scientifiques tout au long des projets. Il peut être qualifié de « senior de compétences », selon la terminologie de Charue-Duboc (2000). Les seniors de compétences sont les référents techniques ou scientifiques dans leur métier, sans avoir obligatoirement de responsabilité hiérarchique. À titre d’illustration, chez IBM, un chef de projet a pour rôle de faire travailler ensemble les différentes compétences métiers sur le projet. C’est un coordinateur, un animateur, un intégrateur organisationnel.
Mais, dans son travail d’intégration des compétences fonctionnelles au sein des projets dont il a la responsabilité, le chef de projet n’est pas tout seul. Il va s’appuyer généralement sur un architecte, lequel va coordonner, techniquement, les détails du projet (Loufrani-Fedida, 2006).
Il faut alors réussir une alchimie complexe entre les personnes expérimentées, mais peut-être un peu prisonniers de leurs habitudes, et les généralistes chefs de projet, souvent plus jeunes.
La réponse est dans le collectif
Par conséquent, à la question, s’agit-il de rechercher les compétences requises en management de projet dans les individus pris séparément ou dans le collectif du projet ? La réponse est dans le collectif et, ce, d’autant plus dans le contexte concurrentiel actuel où le temps compte par-dessus tout (environnement qualifié d’hyper-compétition, de chrono-compétition, etc.). En effet, une des difficultés majeures de l’articulation compétences-projets se pose en termes de temps d’apprentissage : alors que les compétences demandent du temps pour se fiabiliser et se développer, a contrario, le management de projet répond de plus en plus à des exigences de réduction des délais du cycle des projets. C’est ce qui fait écrire à Morris et al. (2006) qu’au fond, l’accent devrait être mis sur le management de projet plutôt que sur le chef de projet lorsqu’on s’intéresse à la question des compétences.

Ping : le « côté sombre » du management de projet par Sabrina Loufrani-Fedida | DantotsuPM.com