
Les compétences spécifiques aux projets complexes
Comme le souligne Zannad (2008), l’hypothèse générale qui traverse le PMBoK comme les recherches suscitées est que les compétences requises en management de projet sont applicables à toutes sortes d’industries et d’environnements, qu’il s’agisse de projets uniques ou répétitifs, simples ou complexes.
Cette vision, normative et positiviste, est discutable, dans la mesure où des chercheurs décrivent les compétences requises en management de projet dans le cadre de secteurs spécifiques (construction immobilière, industrie automobile et haute technologie). Ces propos avaient déjà été avancés par Leclair en 1993, lequel prône, parmi les compétences requises du chef de projet, la maîtrise des champs techniques impliqués dans le projet.
Pour l’auteur, un chef de projet purement gestionnaire ne saurait exister bien longtemps s’il ne peut débattre sur le fond des problèmes avec les acteurs métiers qu’il coordonne. Plus précisément, pour Leclair (1993), les managers de projets ne peuvent être strictement des gestionnaires professionnels capables de gérer n’importe quel projet, qu’il soit de système d’information, d’ingénierie ou de construction, puisque les situations d’entreprises (configuration organisationnelle et particularités de l’entreprise considérée) semblent trop prégnantes pour permettre la conception de chefs de projet « tout-terrain ».
On ne lui demande pas d’être un expert de tous les problèmes techniques débattus sur le projet, mais une maîtrise minimale des principales techniques mises en œuvre dans le projet est nécessaire pour ne pas se faire « rouler dans la farine » et pour construire sa légitimité dans les débats techniques.

projets complexes
Dans la même veine, quelques écrits s’intéressent au cadre spécifique des projets complexes (Hällgren et Maaninen-Olssen, 2005 ; Cicmil, 2006 ; Thomas et Mengel, 2008). En particulier, Cicmil (2006) suggère, plutôt que d’emprunter des approches technicistes et positivistes, de développer une approche qualitative fondée sur des perspectives critiques dans le but de comprendre la nature des connaissances, pratiques et compétences nécessaires pour gérer des projets complexes, puisque les pratiques de management de projet actuelles (et, partant, les compétences qui leur sont affiliées) reflètent mal la réalité chaotique, ambigüe, fragmentaire et politique des projets complexes. Le manager de projet doit savoir « converser », afin de rendre vivable, pour les équipiers du projet, l’anxiété liée à l’imprévisibilité, à la diversité des positions, à l’interaction complexe entre procédures et idéologies (Cicmil, 2006).
Thomas et Mengel (2008) soulignent, quant à eux, que le leadership, l’intelligence émotionnelle, la communication, les compétences d’ordre politique et organisationnel, ainsi que l’importance des valeurs et croyances apparaissent comme des compétences clés que les chefs de projet doivent détenir dans des environnements complexes.
Pour Hällgren et Maaninen-Olssen (2005), c’est la compétence en communication du chef de projet qui lui permettra de gérer les changements dans les projets complexes. Pour Cicmil (2006), ainsi que Thomas et Mengel (2008), les compétences que devraient prioritairement maîtriser les managers de projet semblent être avant tout d’ordre politique et organisationnel : compréhension des processus politiques au sein de l’organisation, connaissance de la structure, appréhension de la nature des interactions entre individus et groupes d’intérêt impliqués dans le développement du projet, etc.

« Je pense que le plus grand défi en management de projet complexe est sa dimension politique, pour laquelle on n’a pas nécessairement les outils et la formation adaptés ; savoir jongler avec toutes les interactions politiques est quelque chose qu’on apprend sur le tas » (un des répondants cités par Cicmil, 2006, et traduit par Zannad, 2008).
Ainsi, il s’agirait, dans le cadre des projets complexes, de développer une vision alternative des compétences requises en management de projet, défiant l’image traditionnelle du chef de projet comme penseur et décisionnaire rationnel.
Ping : le « côté sombre » du management de projet par Sabrina Loufrani-Fedida | DantotsuPM.com