Pénurie de talents, télétravail, crise sanitaire, quête de sens, grande démission ou « quiet quitting », le rôle de manager / chef de projet est très largement mis à l’épreuve depuis plusieurs mois.
Si être manager / chef de projet était le Graal autrefois, aujourd’hui de moins en moins de cadres souhaitent ce rôle.
Personnellement, j’ai même connu pire dans des discussions avec mon entourage : « les managers, tous des c..s ».
Dans ce billet, je propose une vision simple, imagée permettant de mieux cerner le rôle.
1 – Manager / Chef de projet : le pire métier du monde !
Chef de projet ? Moi, jamais !
C’est ce que j’ai répondu à mon chef de projet qui me projetait dans ce rôle. Développeuse de formation, le métier de chef de projet me paraissait inutile et sans intérêt. Je construis un logiciel qui sera utilisé pour répondre à des besoins d’un ensemble d’utilisateurs ; le chef de projet ne produit rien, il se fait « taper sur les doigts » parce qu’un projet qui se passe bien, ça n’existe pas ! Le chef de projet participe à des réunions de crises à n’importe quelle heure, est tout le temps sous pression, bref, que des emmerdes … J’ai récidivé 10 ans plus tard : » manager, pas pour moi ».
Quinze ans plus tard, quelques dizaines de projets à mon actif en tant que chef de projet et plusieurs équipes en tant que manager, cette phrase résonne encore dans ma tête : « Chef de projet ? moi, jamais ! ». Depuis, je ne la prononce plus car chef de projet / manager, je kiffe !
Après 10 ans à la tête de projets autant variés technologiquement que fonctionnellement, j’ai occupé pendant deux ans le poste de « Delivery Head ». Parmi mes missions, je devais « provoquer des vocations » auprès d’une population qui pensait exactement comme moi à mes débuts, i.e. un chef de projet ne sert à rien. Cette idée a été accentuée avec l’avènement de la méthode agile : un chef de projet est contraire aux principes agiles ! Je devais donc à la fois les convaincre mais surtout choisir les « bons » parce que je suis convaincue que tout le monde ne peut pas être chef de projet.
2 – Être manager / Chef de projet : c’est raconter une histoire
Je trouve qu’il est difficile de définir correctement un chef de projet : Beaucoup de choses différentes qualifient le rôle d’un chef de projet et en dresser une liste exhaustive est risqué.
Étant Maman qui racontait des histoires le soir à ses enfants, j’ai donc décidé d’en raconter une pour bien faire comprendre le rôle.
Imaginez-vous un instant au 17ième siècle. Vous êtes capitaine d’un navire et avait une mission : Amener à bon port toute votre cargaison composée de différents produits pour une population en ayant grand besoin. Certaines denrées sont périssables : Impossible de prendre trop de temps pour ce voyage.
En tant que tout bon capitaine de navire qui se respecte, vous préparez votre voyage avec grand soin : Sélection de l’équipage, calcul de la trajectoire idéale, étude de la météo et carte des courants marins avec des experts. Tout cela vous permet d’estimer une durée de voyage afin de prendre les vivres et l’eau potable nécessaires à la traversée : « Hisser les voiles, larguer les amarres ! ».
Au début du périple, tout se passe bien : Beau temps, bonne ambiance, peut-être même que le convoi arrivera en avance à bon port – mais quelle triste histoire, ne trouvez-vous pas ? Ajoutons alors des rebondissements pour la rendre plus alléchante : Tempête en mer, piraterie, maladie, courants marins changeants et mutinerie !
A chaque évènement, des héros différents entrent en scène : Les marins aguerris pour manipuler les voiles et rester à flot face à la tempête ou aux vents contraires, les soldats pour défendre l’équipage et la marchandise face aux pirates, les médecins pour soigner les blessés et les malades.
Mais où est le capitaine ? Face aux conditions météorologiques changeantes et imprévues, doit-il maintenir le cap ou changer de route ? Face à la maladie, quel plan de mitigation doit-il mettre en place ? confinement, rotation dans l’équipe pour maintenir les délai ou repos quitte à prendre du retard et risquer de manquer de vivres. Face aux pirates, quelle stratégie doit-il adopter ? négociation, bataille, autres … En cas de mutinerie, il doit prendre la lourde décision de jeter les fauteurs de troubles au cachot pour garantir la sécurité du reste de son équipage quitte à être détesté par une partie de celui-ci. Le capitaine ne fait « rien de concret » : il est à la manœuvre, s’assure de l’avancement général, lève les contraintes, change de stratégie, prend des décisions parfois difficiles dans un seul objectif : arriver à destination avec tout le monde !
Une fois arrivé à destination, les soldats sont félicités pour leur courage et leur dextérité au combat, le marin est félicité pour ses capacités de manœuvre, le médecin pour avoir sauvé des vies. Quant au capitaine ? il se fait reprocher son éventuel retard et la perte potentielle d’une partie de la marchandise. Cependant : Pas de capitaine, pas d’histoire !
Être chef de projet / manager, c’est être capitaine de ce bateau : C’est savoir utiliser le meilleur de son équipage, le mettre en avant, les faire tous arriver à bon port et raconter une belle histoire. C’est un métier ingrat mais tellement gratifiant quand son équipe et / ou son client sont contents du résultat final.
3 – Être manager / Chef de projet, c’est savoir choisir le bon projet ou la bonne équipe et dire non à ce qui ne nous correspond pas.
Pourquoi raconter cette histoire plutôt que de simplement lister les tâches et les aptitudes d’un chef de projet ?
Raison n°1 : Chaque manager / chef de projet est différent ; son « moi profond » définit sa manière de diriger.
Si nous reprenons notre histoire, en fonction des décisions du capitaine, la route pourrait être complètement différente : Affronter ou non les pirates, changer de direction ou maintenir le cap, … autant de choix qui conditionnent le scénario. Cela me permet également d’insister sur la connaissance et le partage des conditions de réussite d’un projet : « Nous serons contents si … ».
Raison n°2 (conséquence de la raison n°1) : Je suis intimement convaincue qu’à chaque projet correspond un chef de projet et qu’il est extrêmement difficile d’être le chef de projet de tous les projets.
Connaitre les objectifs de son projet c’est se donner la possibilité de choisir le chef de projet le plus adapté. Reprenons notre histoire : Si l’objectif est de rallier au plus vite le port de destination parce que les denrées sont uniquement périssables, le capitaine ne devra pas hésiter à aller à l’affrontement face aux pirates, être téméraire, moins enclin aux compromis. Si, au contraire, l’objectif est d’en amener le plus possible parce qu’il y a moins de contraintes, il devra savoir les éviter, avoir des talents de négociateurs, et peut-être plus réfléchi. Cela fonctionne aussi avec un manager et les objectifs fixés à l’équipe.
Raison n°3 : Cette histoire permet de montrer qu’être capitaine n’est pas une fin en soi et qu’il faut de tout pour constituer une équipe.
Cela démontre également que le chef de projet n’est pas un super héros qui doit savoir tout faire ou être au front tout le temps. Il doit surtout s’assurer de la cohérence de l’ensemble pour arriver à bon port.
En conclusion, si vous avez l’âme de ce capitaine, lancez-vous.
Si vous préférez être le soldat, le marin ou le médecin, beaucoup de capitaines seront ravis de vous avoir dans leur équipage. Pour en revenir à mon expérience personnelle et pour donner une dernière idée, j’ai expliqué à mon entourage mon rôle sous forme de chef d’orchestre : « Il est là pour mettre en avant les musiciens, dos au public parce qu’il ne se met pas en avant. Sans lui, il n’y a pas de concert ! Sans lui, la moindre fausse note peut virer à l’arrêt du récital et au mécontentement du public. Son rôle est de maintenir la dynamique, réagir au plus vite et au plus juste. ». La réponse de mon auditoire fut sans appel : « Je n’avais pas vu cela comme ça, vu sous cet angle, … ». J’avais gagné !
Ophélie GOMES
42 ans, mariée 2 enfants de 15 et 12 ans
Je suis issue d’une filière technologique : diplômée MIAGe à Lyon en 2002. J’ai commencé ma carrière dans une Entreprise de Services du Numérique (ESN) en tant que développeuse Java en mars 2003 tout en continuant en parallèle une thèse en Business Intelligence que j’ai soutenue en 2010.
J’ai occupé différentes fonctions dans l’IT pendant 10 ans chez Capgemini à Grenoble: Business Analyst, Chef de projet run, chef de projet build dans différentes technologies (java, SAP, Documentum, .Net) et différents secteurs (Services privés, Énergies, secteur public, industrie). J’ai ensuite rejoint un éditeur de logiciel où j’ai occupé mon premier poste de manager. En 2017, je retourne chez Capgemini pour participer à la mise en place des processus de delivery pour toute l’entité au niveau France. En plus de mon rôle de manager, je suis coach agile certifiée SPC – Implementing SAFE.
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