Dans le contexte actuel, un projet ne peut plus être considéré comme une suite linéaire de tâches à exécuter selon un plan figé.
Le projet évolue dans un environnement mouvant, souvent incertain, où les variables économiques, sociales, techniques et humaines interagissent en permanence. C’est pourquoi un projet doit aujourd’hui être compris comme un système adaptatif complexe.
Un tel système est constitué d’un ensemble d’acteurs autonomes — qu’il s’agisse d’équipes, de métiers, de prestataires ou de parties prenantes — qui interagissent selon des règles souvent locales, propres à leurs compétences, à leur culture de travail ou à leurs objectifs.
Ces interactions ne sont pas uniquement coordonnées par le haut.
Elles génèrent des effets globaux émergents, qui ne sont pas nécessairement prévisibles à partir des seules règles de départ.
Dans ce type de projet, l’environnement extérieur joue un rôle crucial.
Il n’est pas simplement un cadre passif, mais un élément dynamique qui évolue en fonction des actions du projet et en retour, influence ses trajectoires. Ainsi, le projet ne se contente pas de « suivre un plan » : Il s’ajuste en permanence à l’évolution de son contexte, à la manière d’un organisme vivant qui s’adapte à son milieu pour survivre et évoluer.
Ce pilotage adaptatif repose sur un principe fondamental : L’apprentissage en boucle.
Pour fonctionner efficacement, le système projet doit être capable d’observer son propre fonctionnement en temps réel. Pour cela, il s’appuie sur une base d’indicateurs de performance, construite autour de deux dimensions complémentaires :
- D’une part, des indicateurs techniques, qui renseignent sur l’avancement, les coûts, la qualité, la charge ;
- D’autre part, des indicateurs humains, qui donnent des signaux sur la motivation des équipes, les tensions organisationnelles, la clarté des rôles ou encore le climat de collaboration.
Ces indicateurs ne prennent tout leur sens que lorsqu’ils sont mis en rapport avec des consignes réalistes, c’est-à-dire des objectifs adaptatifs, définis non pas comme des normes rigides mais comme des seuils d’alerte intelligents, ajustés aux spécificités du projet et de son environnement.
Lorsqu’un écart apparaît entre la mesure et la consigne, cela ne signifie pas forcément un échec, mais signale un besoin d’ajustement.
Ce signal déclenche alors un processus structuré de résolution de problème.
Des méthodes éprouvées comme l’AMDEC (analyse des modes de défaillance et de leurs effets), les arbres des causes ou les 5 pourquoi permettent d’identifier les origines profondes des écarts constatés. À partir de là, des plans d’action ciblés sont construits. Ces actions ne sont pas imposées de façon descendante mais redistribuées intelligemment aux acteurs du projet : Elles sont affectées à des services, à des équipes, à des personnes, selon leurs compétences, leur responsabilité ou leur place dans la dynamique de travail.
Chaque action corrective devient alors une nouvelle donnée d’entrée pour le système, et contribue à le faire évoluer. Cette dynamique produit de l’apprentissage collectif. Les bonnes pratiques identifiées, les erreurs comprises, les seuils ajustés ou les innovations de terrain sont capitalisés. Ils alimentent la mémoire du projet, mais aussi plus largement celle de l’organisation. Ainsi, à chaque cycle de régulation, le système augmente sa résilience.
Progressivement, à force de réajustements, de diagnostics, de réinjections d’expérience, l’entreprise devient plus apte à résister aux aléas, à intégrer le changement, à transformer ses pratiques en continu. Elle devient ce que l’on appelle une organisation apprenante, c’est-à-dire une entité capable de se transformer par l’usage intelligent de ses propres retours d’expérience.
Ce que l’on observe ici, c’est une commande adaptative intégrée.
Elle ne repose pas sur un pilotage centralisé rigide, mais sur une régulation distribuée, fondée sur la circulation de l’information, l’analyse des signaux faibles, la réactivité locale et la diffusion d’une vision commune. L’enjeu n’est plus simplement de « tenir un cap », mais de coordonner des trajectoires multiples vers une direction stratégique partagée, en conservant la capacité d’adaptation à chaque instant.
Ainsi, le projet cesse d’être une construction mécanique, pour devenir une forme vivante, auto-régulée, intelligente, guidée par ses boucles d’observation, d’action et d’apprentissage.
Cette approche change en profondeur la posture du chef de projet, du manager et des équipes :
On passe d’un modèle de contrôle à un modèle de résonance, d’un plan à une dynamique, d’un programme à une forme d’intelligence collective.
C’est un Contrôle statistique de processus qui en entreprise peut s’appliquer à divers processus (gestion de projets, marketing, veille technologique). Une entreprise est caractérisée par un produit ou service. Une organisation et des processus sont établis afin de concevoir, développer, produire et vendre un produit ou un service. Cela a un coût : Le prix de revient (PR). Le prix de vente (PV) est lié à l’équilibre économique de la concurrence. Le bénéfice (B = PV − PR) est à optimiser, ce qui exige de réfléchir à la commande des processus afin de limiter les coûts de non-qualité (entropie de l’entreprise, désordre organisationnel, gaspillage [qu’il s’agisse d’activités, de ressources ou de matière]). Un contrôle statistique met en œuvre la commande du processus et permet de garantir une efficacité du processus en minimisant les coûts de non-qualité générés par celui-ci.
Dans ces 3 cas d’applications, la modélisation conduit à une estimation de paramètres pertinents. Leur estimation en temps réel (apprentissage) conduit à un pilotage adaptatif et optimal de ces systèmes en vue de finalités opérationnelles. L’application opérationnelle de ces méthodes est une commande adaptative de ces systèmes.
Nous pourrions la modéliser par le schéma suivant :
La complexité des systèmes temps réel et processus d’entreprise conduit à élargir les techniques traditionnelles d’analyse et de pilotage afin d’ optimiser l’efficacité du système (estimation, prédiction interprétation) , cela par le biais de la commande adaptative. C’est un mode particulier de commande optimale
Bibliographie
W Edwards DEMING – Out of the crisis
Michael MACCOBY – Strategic Intelligence (conceptual tools for leading change)
Général Vincent DESPORTES – Décider dans l’incertitude
Jean Claude CORBEL – Management de projet : Fondamentaux – Méthodes – Outils
Alain CHAUTARD – La Data Science pour modéliser les systèmes complexes: Optimiser la prédiction, l’estimation et l’interprétation – Dunod – 2020
Alain Chautard
Alain Chautard est ingénieur en data science dans le groupe Thalès. Il a travaillé pendant 20 ans dans les services d’Études Avancées où il a été acteur dans la modélisation et la simulation de systèmes complexes. Depuis 15 ans, il participe au développement et la mise en œuvre des systèmes d’information, notamment dans le domaine de la Gestion de projet. Dans ce cadre, il est en charge d’études concernant l’utilisation des données capitalisées et leur modélisation à des fins de prédictions pour la conduite du changement et l’amélioration continue.
