Êtes-vous de ces très nombreux chefs de projet qui fuient les audits comme le diable ?
Considérez-vous qu’un audit est au mieux une perte de temps et au pire une arme aux mains de psychopathes à la recherche de victimes, en l’occurrence, vous et votre projet ?
J’ai partagé, au moins en partie, ces « à priori » mais j’ai pu constater que les audits sont utiles et nécessaires. Ils devraient toujours s’avérer productifs et apporter des bénéfices concrets pour votre projet et pour vous-même.
1. Le point de départ
Qui a commandité l’audit ? Pourquoi ? Qui sont les auditeurs ? Et quel est l’objet précis de l’audit?
J’ai découvert par expérience que répondre à la dernière de ces questions, à savoir l’objet de l’audit, permet souvent de répondre aux questions précédentes.
En effet, les sujets potentiels sont nombreux :
- pratiques de management de projet,
- contrôle des dépenses,
- qualité des livrables,
- aspects sécurité,
- suivi de l’état d’avancement,
- management des risques,
- gestion de demandes de changements,
- détails du plan de projet ou
- diverses combinaisons de ceux-ci plus d’autres non listés ci-dessus.
Avec un peu de recul et de discussion avec les auditeurs, vous devriez parvenir à faire remonter à la surface les raisons profondes et par là même identifier le commanditaire.
D’autre part, le type d’auditeurs que vous recevez, internes ou cabinets de conseil externes, généralistes ou auditeurs spécialisés, experts des processus ou techniciens, en dit également long le but et l’importance accordée à l’audit.
Par exemple, pendant un projet d’intégration et déploiement de progiciel de gestion intégrée (PGI), nous avons fait l’objet d’un audit interne. Une fois compris que le focus était essentiellement de s’assurer que nous contrôlions correctement les dépenses et les risques, il fut bien plus facile à l’équipe de fournir les évidences de ce que nous faisions dans ces domaines.
Nous avons exposé notre processus de suivi des dépenses, notre méthode de suivi des affectations, le journal des questions ouvertes et le registre des risques. Le responsable financier, commanditaire de l’audit, a été rassuré par les conclusions et les recommandations des auditeurs sur lesquelles nous avons bien sûr rapidement engagé des actions.
Cerise sur le gâteau, le surcroît, les auditeurs nous ont aidés à aller plus loin dans notre management des risques en favorisant l’organisation d’une session de brainstorming sur les risques avec le comité exécutif du projet, ce que nous n’étions jusqu’alors pas parvenu à faire.
2. La manière
La suggestion suivante est de comprendre le processus que les auditeurs prévoient de suivre.
Il est en effet important d’assimiler leur approche pour mieux préparer l’équipe à cet événement qu’ils vont initialement percevoir de manière stressante et négative.
En général, la première étape des auditeurs consiste en une série d’entretiens avec des membres clefs de l’équipe et du comité exécutif de projet. Ces rencontres peuvent être précédées et/ou suivies de demandes de divers documents du projet à fin d’analyse.
L’étape suivante est composée d’analyse détaillée et de sessions additionnelles pour plonger plus profondément dans les questions et aborder des domaines spécifiques, en particulier sur le « comment » sont réalisés certains processus et tâches.
Un autre exemple basé sur mon expérience personnelle s’est déroulé sur un projet informatique où nous avions rencontré de graves problèmes durant le déploiement. En tant que chef de projet junior, je n’avais ni l’expérience ni le charisme pour « manager » l’auditeur (un externe). Il est arrivé et a fait un véritable show sans expliquer ni le pourquoi ni le comment (le processus qu’il allait suivre) à qui que ce soit. De plus, dès le départ, il a émis de nombreux commentaires négatifs sur le projet. L’équipe, désorientée par ces agressions et par le manque de visibilité sur ce qui déboulait, est rapidement devenue stressée et quelque peu sur la défensive. Les personnes ont certes fourni tous les documents du projet, mais de façon peu structurée, sans articuler les composants entre eux. Il manquait une histoire d’ensemble pour positionner ces données brutes dans leur contexte. Cet audit a pris beaucoup de temps et fut très stressant pour tous. Au bout du compte, le rapport n’a pas su aider le projet à traverser cette période difficile. Dans ce cas précis, l’audit qui aurait pu apporter de la valeur, n’a réussi qu’à tuer un projet qui avait certainement ses faiblesses mais n’auraient-elles pu être corrigées ? Je garde un souvenir fort déplaisant de cette expérience qui me fut bien sûr utile par la suite mais bien trop douloureuse.
3. les remontées
Troisième suggestion: s’insérer dans le processus de réflexion et de reporting.
Vous devez prendre en compte le fait que les auditeurs font certainement des points de suivi avec la direction et les commanditaires. Lors de ces sessions, ils vont partager l’état avancement, exposer leurs découvertes et premiers « étonnements », tester leurs idées (pour observer les réactions potentielles du management) et, plus tard, présenter des recommandations (intermédiaires puis finales).
Il y a une dizaine d’années, je fus nommé leader, en interne à ma société, pour l’audit d’un projet informatique. Comme j’avais été plusieurs fois du côté de l’audité, j’ai essayé de porter une attention particulière à bien expliquer l’objectif, les jalons et l’approche de l’audit (première et deuxième suggestions de cet article). Nous avons discuté du périmètre proposé et de qui ferait quoi. Nous avons partagé nos observations au fur et à mesure avec l’équipe pour éviter les surprises. Nous leur avons donné l’occasion de commenter ces observations : ce qu’ils ont fait et que nous avons pris en considération. Nous avons partagé nos recommandations avec l’équipe de projet avant de le faire avec la direction. Nous avons aussi aidé à définir et mettre en place un plan d’action pour adresser les points de faiblesse identifiés. Nous avons même ensuite (après l’audit) assuré un suivi de l’exécution de ces plans d’action. Ceci, je suis certain, fut beaucoup plus bénéfique à la société qu’un simple rapport d’audit.
Indépendamment du scénario, le point clé pour le chef de projet est de supporter activement les auditeurs pendant leurs investigations. Leur fournir toutes les informations appropriées en totale transparence et demander à nos membres de l’équipe projet de faire de même. Dégager du temps pour eux dans nos agendas surchargés. Être des partenaires ouverts, positifs et de valeur. C’est en agissant ainsi que nous pouvons espérer être impliqués dans la préparation des documents remontés vers la direction. Ceci peut être limité. Par exemple à valider l’exactitude des faits et détails rapportés et c’est déjà très utile. Ce peut aussi être utile pour se préparer mentalement aux retours du management et discuter certaines de leurs recommandations intermédiaires afin de commencer à élaborer de premiers plans d’action.
4. vos attentes
Dans mon rôle de chef de projet, si les auditeurs me demandent mes attentes vis-à-vis de l’audit, je mets en évidence 2 points majeurs :
- Équité envers les membres de l’équipe
- Qualité des recommandations afin d’améliorer le projet
5. la fin n’est que le début
L’étape suivante est l’achèvement de l’audit et la production des recommandations.
Inévitablement, vous êtes d’accord et pouvez aisément en comprendre certaines. D’autres sont plus difficiles à accepter et peuvent vous paraitre injustes. Dans tous les cas, il est absolument vital de rester positif et ouvert. Passer en mode défensif n’aide en rien.

Gardez à l’esprit que les recommandations des consultants et auditeurs sont une chose; le choix des recommandations sur lesquelles la direction ou le comité exécutif de projet décide d’agir est une autre affaire (bien plus critique pour vous et votre équipe projet).
Dès que vous comprenez quelles actions correctives ou d’amélioration sont retenues, partagez celles-ci avec l’équipe projet de manière positive. Il est fréquent que le rapport intégral des auditeurs ne soit pas diffusé. Seuls les points principaux et retenus sont présentés. Ceux qui engagent l’équipe sur des actions productives.
En conclusion
Si votre projet ne fait pas encore l’objet d’un audit, considérez quels domaines pourraient être améliorés par un œil avisé externe et sollicitez un audit sur ceux-ci. Demandez de l’aide avant que quelqu’un au-dessus de vous ne décide que vous avez besoin d’être aidé.
Sur de nombreux projets, vous constaterez que les auditeurs vous aideront énormément à améliorer certains aspects comme le contrôle du périmètre, la rigueur dans la gestion des demandes de changement ou l’engagement de vos sponsors dans le management des risques. Les auditeurs sont bien plus objectifs que vous ne pouvez l’être.
De plus, ils ont une légitimité qui peut vous aider à faire passer certains messages difficiles à votre comité exécutif de projet, en particulier si certaines choses à rectifier leurs incombent. Par exemple un manque d’implication de certaines parties de l’organisation dans le projet, ou leur propre contribution dans le contrôle du périmètre et des risques.
Alors, n’hésitez plus à demander un audit de votre projet, y compris si tout vous semble aller pour le mieux !
Avez-vous été bénéficiaires ou victimes d’un audit ? Partagez vos expériences dans la zone commentaires !