Un facteur souvent sous-estimé est la posture à tenir par le chef de projet au sein d’une bureaucratie et/ou d’une adhocratie.
Commençons par expliciter ce que signifie ces deux types de structures pour une entreprise et/ou organisation.

Henry Mintzberg raconte dans son ouvrage, le Management, Voyage au cœur des organisations, qu’il avait écrit un article pour la Harvard Business Review qui utilisait le terme adhocratie.
HBR n’avait jamais entendu parler de ce terme et ils appelèrent Mintzberg pour lui demander ce que signifie l’adhocratie.
Il corrigea son article pour que ce soit plus clair. Même si, à la relecture, avant de publier l’article, les relecteurs de HBR ne comprenaient toujours pas ce qu’était l’adhocratie… (H. Mintzberg,2004)
L’adhocratie, est une structure qui est basée sur des relations informelles.

Pensez aux entreprises agiles ou libérées. Ces entreprises innovent constamment, elles fonctionnent en mode projet.
Quand une équipe a terminé un projet, ses membres sont ré-alloués sur d’autres projets. À l’exception par exemple des tâches opérationnelles dans l’industrie comme c’est le cas dans certaines entreprises.
Mintzberg a défini deux sous-catégories de bureaucraties.

Tout d’abord, la bureaucratie Mécaniste, c’est une entreprise où le personnel devra se référer rigoureusement aux procédures afin de mener une tâche. Imaginez une usine industrielle.
Enfin, la bureaucratie Professionnelle, où, il y aura un système de classement, pour évaluer le personnel. Pensez aux cabinets de conseil où chaque consultant est évalué sur l’atteinte de ses objectifs.
Comme le dit Max Weber, le père de l’organisation bureaucratique : c’est une entreprise axée sur le formel. Tout est hiérarchisé avec des rôles clairement définis.
Revenons au sujet de cet article, quelle posture doit adopter le chef de projet au sein de deux structures ?
Le Project Management Institute® (PMI) a pris conscience qu’un chef de projet doit adapter son comportement à la structure de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle, le nouvel examen PMP® est, depuis 2021, axé sur des questions situationnelles et moins techniques.
Autrefois, on attendait principalement d’un chef de projet qu’il maîtrise l’aspect technique de la planification d’un projet. Il n’est pas rare, d’entendre que ceux qui ont passé le PMP avant 2021 avaient à réaliser des calculs sur les coûts et délais d’un projet. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le PMI, recherche des chefs de projet qui savent gérer les relations informelles avec les membres de leurs projets.
Dans une entreprise bureaucratique, on attend du chef de projet qu’il soit hautement compétent d’un point de vue technique. Autrefois, nous étions dans un paradigme qui considérait que si le chef de projet savait faire un GANTT, cela suffisait pour qu’il soit un bon chef de projet sans prendre en compte le côté management des parties prenantes.
Aujourd’hui, l’adhocratie semble se démocratiser. De nombreuses, entreprises qui fonctionnement toujours en mode bureaucratique ont compris qu’il fallait être plus souple sans forcément devenir une structure adhocratique. C’est pourquoi, le PMI a accentué le côté « leadership » lors de la certification PMP. En effet, PMI veut sensibiliser les (futurs) chefs de projets à prendre conscience que la réussite d’un projet passe par le pilotage des Hommes et ainsi aider les entreprises bureaucratiques ou adhocratiques à mieux réussir leurs projets. Comme le dit si bien PMI, le PMBoK® 7 est bien adapté pour les projets traditionnels, hybrides, aussi bien qu’Agiles.
Si vous pilotez un projet dans une entreprise bureaucratique vous serez fortement confronté aux cloisonnements des différentes entités et à la réticence aux changements. Car, ces entités n’ont pas l’habitude de communiquer ensemble. Il vous faudra vous armer de patience. La démarche du Lean Management semble très intéressante pour vous aider à piloter vos projets au sein de ces organisations.

Car, elle va vous permettre de mettre en place une salle Obeya, similaire à un Comité de Pilotage de Projet (COPIL) où les différentes parties prenantes rattachées à plusieurs entités, pourront travailler ensemble de manière visuelle avec un management collaboratif. Il est fort possible que votre entreprise n’ait pas de référentiel en gestion de projet. Si vous êtes certifié (PMP ou Prince2…), il vous faudra encore une fois, être patient et convaincre le sponsor de l’utilité du PMBoK ou autres référentiels.
Ce qu’il faut comprendre est que, si vous souhaitez mener à bien vos projets dans une bureaucratie, il vous faudra être un accompagnateur du changement en plus d’être un chef de projet. Faites preuve d’empathie et impliquez les parties prenantes vers le management participatif.

La démarche du Lean Management est efficace pour vous aider. Si le Lean vous est inconnu, n’hésitez pas à faire appel à un certifié Green/Black Belt Lean ou responsable amélioration continue de votre entreprise, il vous fournira des outils efficaces pour piloter vos projets.
Il ne faut pas oublier que l’entreprise automobile Toyota à l’origine du Lean est passé d’une bureaucratie inefficace à une bureaucratie habilitante ou excellente selon Isaac Getz, Liberté & Cie. et Jeffey Liker dans son ouvrage : Le modèle Toyota, 14 principes.
Si vous pilotez votre projet dans une adhocratie, le chef de projet est avant tout, un leader et coach.
Si vous êtes moins confronté à la réticence aux changements, il n’en demeure pas moins que vous devez savoir laisser vos parties prenantes prendre des décisions (contrairement à une bureaucratie où vous avez un pouvoir de décision assez élevé). Il est primordial que vous soyez sociable et connaissiez bien les démarches Agile ou Lean car elles sont souvent utilisées pour rester innovant.
Étant donné, que nous sommes dans l’informel, l’équipe projet collabore et travaille dans la même pièce. Toutefois, il faudra être précautionneux sur le fait de bien centraliser les données pour que l’équipe puisse avoir toutes les bonnes informations nécessaires au bon endroit. Cela nécessite, donc que vous appréciez travailler en équipe et gérer les conflits axés sur les relations. Comme il y a plus d’informel que de formel, il y a une plus grande probabilité que des conflits apparaissent. N’oubliez pas si vous avez travaillez depuis longtemps dans une structure traditionnelle et que vous devez maintenant travailler dans une adhocratie que la responsabilité de la planification revient à l’équipe projet.

Finalement, que vous pilotiez un projet dans une bureaucratie ou adhocratie, vous devez faire preuve d’empathie, écoute active et avoir le sens du relationnel.
Cela semble être du bon sens.
Mais, dans une bureaucratie, vous devrez :
- Vous armer de patience
- Être un facilitateur
- Accompagner le changement vers le management participatif
- Savoir utiliser les bons outils car vous avez tout de même un pouvoir conséquent.
A la différence, de l’adhocratie, où votre pouvoir est limité. Vous serez tel le Scrum Master qui est présent pour guider son équipe (mais sans la diriger), tout en sachant canaliser et centraliser les relations informelles.
Sources :
[1] Mintzberg H. (2004). Le management : Voyage au centre des organisations. Eyrolles, Paris. Page. 348.
“PMI,” the PMI logo, “PMP,” “PMBOK” and “Project Management Institute” are registered marks of Project Management Institute, Inc.
IOUALITENE Yanis est chef de projet Lean.

Il est diplômé de Skema Business School en management de Projets & Programmes. Il est certifié PMP ®, Prince2, ITIL 4, PSM I, Agile PM DSDM et Green Belt Lean.
Yanis a contribué au groupe de travail sur le PMBoK 7 organisé par le PMI Francophone.
